Acheter local permet de préserver la biodiversité de nos régions et de soutenir la production de denrées alimentaires aussi naturelles que possible. Et puis, opter pour des produits de proximité, c’est soutenir la fonction agricole du sol genevois, souvent en concurrence avec l’urbanisation. Alors, acheter local, c’est acheter logique ? Oui, mais gardons à l’esprit que la provenance des aliments et la formation des prix dans les supermarchés est parfois opaque. S’informer constitue donc l’un des socles de l’alimentation en conscience, idée que défend l’association ma-terre. État des lieux.
Acheter local = circuit court ?
Petites précisions pour commencer. Selon la Fédération romande des consommateurs (FRC), on peut acheter au supermarché local un produit qui a transité par un centre de collecte régional situé, par exemple, à Zurich. Le circuit court, lui, induit une relation directe du producteur au consommateur, avec le moins d’intermédiaires possible. En résumé, il convient de distinguer « local », qui n’implique pas forcément « court », et « court », qui induit forcément « local ». Mais il est vrai que le consommateur a tendance aujourd’hui sinon à confondre, du moins à assimiler les deux, dans la mesure où la confusion persiste entre la provenance des ingrédients et le lieu d’élaboration.
Chacun sa définition
En fait, les notions associées au terme « local » varient selon l’institution. Trois exemples : la FRC le définit comme « production naturelle, trajets courts, moins d’ingrédients importés, ingrédient principal local et indication claire de la provenance » ; Migros fait la différence entre les produits composés – yogourts aux fruits ou saucisses – dont le principal ingrédient doit intégralement provenir de la région et la part totale des ingrédients régionaux doit être d’au moins 80%, et les produits non composés – lait, légumes ou viande – qui doivent être issus à 100% de la région. S’ils ne sont pas disponibles, ils doivent au moins provenir de Suisse. Créée par l’État de Genève en 2004, la marque de garantie GRTA (Genève Région – Terre Avenir) permet quant à elle d’identifier les produits de l’agriculture de la région genevoise. Elle concerne tous les produits agricoles, à chacune des étapes de leur transformation, du champ à l’assiette. La notion de proximité englobe donc 100% de produits genevois, des zones franches et une réduction des transports.
Provenance et confiance, ça rime.
Pour acheter logique, encore faut-il connaître aussi la provenance des aliments que l’on consomme. Pour les achats-plaisir, par exemple du chewing-gum, la provenance des ingrédients et du produit importe peu. En revanche, l’achat que l’on effectue pour cuisiner ou se nourrir est un acte conscient. Une enquête de la FRC sur des fraises importées mettait en avant qu’il y a davantage de marketing pour ces fraises que pour les fraises suisses. Si l’indication du pays de production des aliments est obligatoire, force est donc de constater que le marketing a parfois tendance à contourner la règle.
Acheter local, meilleur pour l’économie locale ?
Beaucoup d’entre nous disent vouloir acheter local pour soutenir l’économie de notre région tout en attendant des méthodes de culture plus respectueuses de l’environnement. En moyenne, nous sommes un peu plus de 30% à faire nos achats alimentaires dans un commerce de proximité, soit en magasin soit directement chez le producteur. Ce pourcentage a explosé durant la pandémie : avec la fermeture des frontières, les Genevois se sont rués sur les marchés à la ferme. Un comportement durable ? Depuis la réouverture, force est de constater que le tourisme d’achat est revenu en force. Les consommateurs genevois réclament des méthodes de culture plus écologiques mais se demandent-ils toujours d’où viennent les aliments ?
Une solution partielle
Si l’on achète des produits suisses ou genevois au supermarché, on ne sait pas quel pourcentage des prix pratiqués va aux producteurs. Par conséquent, acheter logique reviendrait à acheter localement des denrées que l’on consomme ou cuisine à la maison pour soutenir l’économie locale. D’autant que la plupart des marchés à la ferme proposent des gammes de produits de plus en plus étendues. Mais la solution est partielle car il faut de se rappeler que nous consommons aussi hors du domicile, par exemple au restaurant ou à la cafétéria de l’entreprise, des produits dont on ignore parfois la provenance.
Le pouvoir des autorités
Les politiques ont, bien sûr, un rôle de premier plan à jouer. Ainsi, la Loi sur la promotion de l’agriculture (LPromAgr), entrée en vigueur le 1er janvier 2005, est régulièrement amendée, les dernières modifications datant de septembre 2021. Visant notamment à promouvoir une production pérenne et diversifiée, saine et de qualité, elle complète et met en œuvre la loi fédérale sur l’agriculture de 1998. En outre, le Conseil d’État genevois souhaite inciter les habitants à manger davantage les produits cultivés dans le canton. De même, la FRC monte au créneau depuis longtemps pour inciter les autorités, notamment l’Office fédéral de l’agriculture, à améliorer la transparence sur la formation des prix (dont l’absence n’est d’ailleurs pas spécifiquement genevoise), qui n’est selon elle qu’embryonnaire et qui, si elle était corrigée, permettrait d’augmenter la confiance des consommateurs.
Le pouvoir des agriculteurs
Pour augmenter les parts de marché des agriculteurs locaux, tout en collant davantage aux objectifs du développement durable, il convient d’intensifier la diversification et l’innovation, deux des marques de fabrique de l’agriculture genevoise. L’étude « Agriculture 2030 » précise que les circuits courts et la transformation des produits ont été développés, mais qu’atteindre ces objectifs passera par un travail de sensibilisation. L’un des enjeux mentionnés dans l’étude est de renouer le contrat social et le lien de confiance avec la population.
Le pouvoir des consommateurs
Le système politique suisse permet au citoyen de voter sur toutes sortes de sujets, notamment les questions alimentaires. C’est un véritable pouvoir politique qui est octroyé au citoyen pour influencer par exemple la manière dont les aliments sont produits. Il est primordial de se servir de ce droit pour faire évoluer les choses. À quoi sert en effet de voter pour un moratoire sur les OGM si c’est pour acheter de la viande d’animaux qui ont été nourris avec des OGM ? C’est aussi cela, acheter logique : réfléchir et être conséquent.
ma-terre : une ligne claire.
« Notre ligne est claire, déclare Corrèze Lecygne, membre du comité de ma-terre. Nous soutenons la production et la consommation locales mais nous gardons aussi à l’esprit le pouvoir d’achat du consommateur et sa capacité à se nourrir. Notre mission est avant tout d’informer et de sensibiliser, notamment à travers l’organisation d’événements et d’ateliers destinés à toutes les catégories de la population, enfants inclus », conclut-elle.
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